L’utilisation du placage en ébénisterie
Le placage est une technique ancienne très utilisée en ébénisterie depuis son apparition. Aujourd’hui bien qu’elle soit indissociable à l’univers du meuble, cette technique n’en demeure pas moins méconnue du grand public.
Éclaircissons quelques points fondamentaux ensemble.
Les origines de la technique
Le placage est une technique principalement décorative du mobilier consistant à l’application de feuilles de bois plus ou moins fines issues de différentes essences sur une ossature en bois. L’utilisation du placage va de pair avec l’apparition du métier d’ébéniste. C’est en effet en partie grâce à l’application de feuilles de placage d’ébène sur le mobilier que l’on a renommé ces menuisiers en ébène « ébénistes » au XVIIe siècle. L’ébène est un arbre d’origine africaine particulièrement utilisée en Europe pour l’ébénisterie, mais il existe des essences américaines ou indiennes. Son bois est connu pour être très dense, avec un cœur très noir et il est aussi particulièrement sec. C’est pour ces caractéristiques hors du commun que cette essence est utilisée pour la conception de petits objets (pièces d’échecs, touches de piano, ou petites boites à bijoux), mais aussi pour la réalisation de placages ou de marqueteries.

L’utilisation de feuilles de placage en ébénisterie servait tout simplement à enjoliver une structure de bois indigène (du chêne ou du hêtre) parfois pauvre (du bois blanc comme le pin, ou le peuplier) d’une essence beaucoup plus recherchée (comme le bois de rose, l’amarante, le palissandre, ou l’ébène). Avec l’utilisation du placage intervient aussi des notions techniques et économiques. Les bois précieux, souvent exotiques, étaient en effet bien plus chers que les bois européens, et comme nous l’avons vu avec l’ébène, les bois utilisés en structure sont aussi bien plus faciles à utiliser que les bois destinés au placage. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, sous le style Napoléon III, l’application de feuilles de placage épaisses (de 3 à 4 mm) placées en contreplaqué d’un panneau central, permettait aussi de lutter contre les variations que connait le bois au contact de l’humidité.

Le placage, une multitude d’effets décoratifs
En Europe, la technique du placage s’est développée au XVIIe siècle, plus particulièrement en France avec le style Louis XIII et ses cabinets en ébène. Sous ce style, les feuilles de placage d’ébène assez épaisses (de 8 à 10 mm) étaient directement sculptées en bas-relief. Rapidement, le placage devient un véritable outil décoratif par la couleur de son essence mais aussi par la richesse des motifs qu’offre le veinage des feuilles de placage. Les effets décoratifs liés au veinage du bois peuvent aussi provenir des défauts liés à la vie de l’arbre ou à l’environnement dans lequel il a poussé. De très beaux effets décoratifs sont obtenus à partir de la loupe. Cet effet tortueux caractéristique de la loupe est dû au fait que les feuilles de placages proviennent d’une excroissance sur le tronc lié à un afflux de sève ayant pour origine une blessure ou une piqure d’insecte. La ronce est une partie de l’arbre qui est aussi privilégiée pour le placage, puisque celle-ci est prélevée au niveau des racines ou à la naissance des branches. Lorsque le veinage et la couleur du bois sont discrets, les feuilles de placage sont colorées dans la masse. Le meilleur exemple pour illustrer cette technique est celui du style Napoléon III, au XIXe siècle, où les meubles étaient plaqués de feuilles de poirier teintées en noir, ce qui rappelait l’utilisation du placage d’ébène du XVIIe siècle.

D’autres effets décoratifs proviennent du débit du tronc. Le bois maillé (caractéristique du chêne ou du platane) provient d’un débit sur quartier (découpe perpendiculaire aux cernes d’accroissement de l’arbre) tandis qu’un placage sur dosse se fait parallèlement aux cernes d’accroissement.

Les ébénistes ont créé au cours des styles de véritables effets décoratifs en raccordant les veinages du bois des feuilles de placage. Cette technique décorative associée au placage s’appelle le frisage. Avec le frisage, les feuilles de placages composent alors de véritables fresques aux motifs géométriques. Suivant le débit de ces feuilles on peut obtenir des effets décoratifs très différents, en losange, en fougère, ou encore en pointe de diamant.
Depuis le XVIIe siècle, le placage a été utilisé sous tous les styles, en respectant les essences de bois à la mode. Ainsi sous le style Empire, au XIXe siècle, les meubles sont plaqués d’acajou, au XXe siècle les meubles de style Art Déco sont eux aussi souvent plaqués d’acajou mais aussi de palissandre ou de la très recherchée loupe d’amboine. Le placage, grâce à sa richesse décorative, s’est adapté aux cours des siècles à tous les styles et il est toujours largement utilisé aujourd’hui pour finalement devenir indissociable de l’ébénisterie.
